Eugène Pertuiset et ses munitions explosives révolutionnaires : Une histoire d'innovation à l'ère de la poudre noire

Revolver à broche de 15 mm avec cartouches explosives à broche Pertuiset de 15 mm et 12 mm
Revolver à broche de 15 mm avec cartouches explosives à broche Pertuiset de 15 mm et 12 mm[24]

Dans le monde enfumé des années 1860 à Paris, alors que la technologie des armes à feu vivait une révolution avec l'adoption généralisée des armes à chargement par la culasse et des cartouches autonomes, un inventeur déterminé nommé Eugène Pertuiset s'apprêtait à laisser son empreinte dans l'histoire. La capitale française était alors l'épicentre de l'innovation en matière d'armement – où des conceptions révolutionnaires comme le système à broche Lefaucheux et le nouveau fusil militaire Chassepot redéfinissaient les possibilités des armes. C'est dans cette atmosphère de changement technologique rapide que Pertuiset développa l'une des avancées les plus novatrices – et controversées – en matière de munitions au XIXe siècle.

Eugène Pertuiset
Eugène Pertuiset avec un fusil à broche[17]

Pertuiset n'était pas un inventeur d'armes ordinaire. Personnage complexe et ambitieux, il évoluait avec aisance entre les salons de la haute société parisienne et les terrains de chasse africains. Plus tard, il acquit une renommée en tant qu'intrépide chasseur de lions, immortalisé dans le portrait de 1881 d'Édouard Manet, Portrait de M. Pertuiset, chasseur de lions, aujourd'hui exposé au musée d'art de São Paulo. Ses exploits, notamment la chasse aux lions noirs de Constantine, rempliraient les pages de son livre de 1878, Les Aventures d’un chasseur de lions, et son nom deviendrait synonyme d'expéditions de chasse audacieuses.

Mais avant que ses aventures africaines ne lui valent une reconnaissance mondiale, c'est sa quête incessante de la balle explosive parfaite qui lui attira d'abord une attention internationale. Collaborant d'abord avec des armuriers établis comme Devisme[3], puis suivant son propre chemin révolutionnaire, Pertuiset développa des munitions qui furent testées par des armées à travers l'Europe, modifiant ainsi la pensée militaire sur les projectiles explosifs. Ses innovations déclenchèrent des traités internationaux, influencèrent la médecine de guerre et établirent de nouvelles normes d'efficacité pour les munitions, inspirant les concepteurs pendant des décennies.

Mr. Eugène Pertuiset, the Lion Hunter
Mr. Eugène Pertuiset, the Lion Hunter M. Eugène Pertuiset, chasseur de lions, par Édouard Manet[18]

Voici l'histoire de la quête d'un homme pour créer des munitions de chasse plus efficaces, une quête qui a conduit à une révolution dans la conception des balles explosives – une épopée qui traverse les ateliers de Paris, les champs de tir de Russie et les champs de bataille d'Europe, transformant à jamais le paysage de la technologie des munitions.

De la Frustration à l'Innovation

Le parcours de Pertuiset dans le développement des balles explosives commença lors de ses expéditions de chasse en Afrique. Chasseur passionné et tireur accompli, il avait d'abord placé sa confiance dans les balles explosives de Devisme[3], alors considérées comme le summum de la technologie des munitions explosives à Paris. Ces balles contenaient une petite charge et étaient équipées de capsules à percussion destinées à détoner à l'impact.

Devisme Explosive Bullet from the Rijksmuseum Collection.[23]

Ses expériences sur le terrain s'avérèrent cependant profondément frustrantes. Lors de son séjour à Jemmapes[3], des entrepreneurs locaux travaillant sur la route de Philippeville lui offrirent l'occasion de tester les balles de Devisme sur une vache destinée à l'abattage. Ce test devint un moment décisif dans son processus de développement. Visant avec soin, il tira sur le flanc de l'animal avec l'une des balles explosives de Devisme. À sa grande consternation – et à celle des observateurs présents – la vache ne montra presque aucune réaction. La balle avait échoué à détoner dans les tissus mous, et l'animal continua à brouter paisiblement pendant plus de quinze minutes comme si de rien n'était. Finalement, Pertuiset fut contraint de mettre fin à l'expérience avec un tir conventionnel dans la tête.

Ce n’était pas un incident isolé. Tout au long de ses expériences de chasse, Pertuiset constata que les balles de Devisme échouaient régulièrement à fonctionner comme promis. Le problème était particulièrement aigu lorsque les balles atteignaient des tissus mous – elles traversaient souvent la cible sans détoner, agissant en pratique comme des projectiles conventionnels coûteux. Même lorsqu'elles explosaient, l'effet était souvent minime.

Un autre exemple révélateur se produisit lors d'une chasse où Pertuiset eut l'occasion d'utiliser les balles sur un lion[3]. Malgré un tir direct avec une balle explosive de Devisme, l'animal parvint à parcourir plus de quatre kilomètres avant de succomber à ses blessures. Cela démontra que, même lorsque les balles détonnaient, elles ne produisaient pas les effets immédiats et dévastateurs promis par leur conception.

Ces expériences convainquirent Pertuiset qu'une approche fondamentalement nouvelle était nécessaire. Les principaux problèmes qu'il identifia dans la conception de Devisme étaient les suivants :

  • Une détonation peu fiable, en particulier dans les tissus mous
  • Une dépendance aux capsules à percussion mécaniques sujettes à des défaillances
  • Une force explosive insuffisante, même en cas de détonation
  • Une construction complexe rendant la fabrication difficile et coûteuse.

Pertuiset commença à concevoir un nouveau type de balle explosive qui remédierait à ces défauts. Il souhaitait une balle capable de détoner de manière fiable, quel que soit le matériau de la cible, de produire des explosions plus puissantes et – point crucial – d'éliminer le besoin de détonateurs mécaniques complexes. Son concept était révolutionnaire : au lieu de dépendre de capsules à percussion déclenchées par l'impact, il envisagea une balle qui détonnerait grâce à la chaleur générée par son propre impact.

Cette idée le poussa à expérimenter divers composés explosifs, suffisamment sensibles pour détoner de manière fiable, mais assez stables pour être chargés et tirés en toute sécurité. Ce fut le début d'un processus de développement qui allait révolutionner la conception des munitions explosives et attirer l'attention des autorités militaires à travers l'Europe.

Le Chemin vers une Percée Technique

Après ses expériences décevantes avec les balles de Devisme, Pertuiset entreprit une quête méthodique pour développer un projectile explosif plus performant. Son premier partenariat fut avec un armurier suisse respecté nommé Jaquet[3], réputé pour son travail précis sur les rayures de canon. Ensemble, ils commencèrent à expérimenter divers composés fulminants, à la recherche d’un mélange plus fiable que le système à capsules à percussion de Devisme.

Ces premières expériences, bien que prometteuses, se révélèrent dangereuses. Lors d’un essai mené dans les installations de Leopold Bernard, le mélange fulminant expérimental s’avéra beaucoup trop volatile. Le composé détonna à l’intérieur du canon du fusil d’essai, provoquant une défaillance catastrophique. Seule l’excellente qualité du canon fabriqué par Leopold Bernard permit d’éviter un accident mortel. Le canon se fissura mais contint l’explosion, offrant à Pertuiset une leçon marquante sur les dangers inhérents au développement de munitions explosives.

Loin de le décourager, cet échec ne fit que renforcer la détermination de Pertuiset à trouver une solution plus sûre et plus fiable. Son partenariat suivant s'avéra décisif. Jacques Henseler, ancien contremaître chez Devisme, apporta au projet des décennies d’expertise dans la fabrication de munitions. Plus important encore, il maîtrisait la chimie délicate des composés explosifs ainsi que les exigences précises de la production commerciale de munitions.

Pendant deux mois intensifs au stand de tir de Leopold Bernard, Pertuiset et Henseler menèrent des expériences systématiques. Ils testèrent des dizaines de variations de mélanges, documentant méticuleusement les résultats et perfectionnant leur formule. Leur percée survint lorsqu'ils développèrent un mélange unique composé de quatre éléments :

  • Deux parts de chlorate de potassium pour fournir la force explosive principale
  • Une part de soufre agissant comme sensibilisateur et accélérant
  • Un huitième de part de poudre de chasse pour garantir une ignition régulière
  • Un cinquantième de part de charbon animal servant d'agent stabilisant.

Mais la véritable innovation ne résidait pas seulement dans la formule – elle se trouvait dans le processus de fabrication qu’ils développèrent. Les tentatives précédentes de création de composés similaires avaient échoué, car le mélange direct des ingrédients entraînait souvent des détonations prématurées ou des performances incohérentes. Pertuiset et Henseler résolurent ce problème grâce à un processus de mélange en deux étapes soigneusement orchestré.

Dans un premier temps, ils combinèrent le chlorate de potassium et le charbon animal. Ce mélange initial était relativement stable, car le charbon aidait à enrober les particules de chlorate et à réduire leur sensibilité. Séparément, ils mélangèrent la poudre de chasse et le soufre, créant un second composé stable. Ce n’est qu’ensuite que ces deux mélanges furent soigneusement combinés, sans aucun broyage ou trituration supplémentaire, car le mélange final était extrêmement sensible aux frottements.

Chaque étape nécessitait des mesures précises et une manipulation minutieuse. Les ingrédients devaient être soigneusement mélangés, mais sans être broyés ensemble, car tout frottement pouvait déclencher une explosion prématurée. La température et l'humidité durant le mélange devaient être rigoureusement contrôlées, et le composé final devait être stocké et transporté avec une extrême précaution.

Brevet Pertuiset et Henseler
Brevet Pertuiset et Henseler[8]

Le résultat fut révolutionnaire – un composé capable de détoner de manière fiable grâce à la chaleur générée par l'impact, sans nécessiter de capsule d’amorçage ou de percussion supplémentaire. Contrairement aux conceptions précédentes, ces nouvelles balles pouvaient exploser efficacement tant sur des cibles dures que molles. Lorsqu'elles frappaient un os, elles provoquaient des blessures fragmentaires dévastatrices. Dans les tissus mous, la chaleur de l’impact déclenchait tout de même la détonation, créant des canaux de blessure massifs par choc hydrostatique.

Pertuiset avait réussi à créer ce qu'il avait imaginé – une balle explosive à la conception plus simple que celle de Devisme, plus fiable en fonctionnement et d'une efficacité dévastatrice contre n'importe quelle cible. La voie était désormais ouverte à une reconnaissance internationale et à un succès commercial, bien que l'extraordinaire efficacité de sa conception soulève rapidement de graves préoccupations humanitaires.

Reconnaissance Internationale et Intérêt Militaire

À mesure que l’innovation de Pertuiset se répandait dans les cercles militaires européens, ses balles explosives commencèrent à attirer une attention sérieuse de la part des armées à travers le continent[3]. Pour protéger et promouvoir ses innovations, Pertuiset déposa des brevets en France, en Belgique, au Royaume-Uni et aux États-Unis, ce qui facilita la reconnaissance internationale de son travail. Sa capacité à contrôler et retarder la détonation – permettant aux projectiles de pénétrer les blindages avant d'exploser – intriguait particulièrement les autorités navales à la recherche de solutions contre les cuirassés, de plus en plus répandus.

Essais Militaires Français

Les premiers tests des balles explosives de Pertuiset débutèrent à Vincennes, en France, où le comité militaire mena des essais approfondis en utilisant une mitrailleuse[6], une arme à tir rapide dotée de plusieurs canons. Ces essais incluaient des expériences controversées, telles que des tirs sur des chevaux de cavalerie vivants attachés en grand nombre – parfois par centaines. Les balles de Pertuiset, chargées avec sa poudre explosive spécialisée, produisirent des effets dévastateurs. Les observateurs rapportèrent que les projectiles brisaient crânes, côtes et jambes des malheureux animaux, démontrant la puissance et la destructivité de sa conception. Malgré ces résultats prometteurs, des complications politiques conduisirent finalement à la suspension du programme français. Cependant, ces premiers tests attirèrent l’attention d’observateurs militaires étrangers, entraînant des invitations à présenter ses innovations dans d’autres nations.

La Connexion Russe

En Russie, les démonstrations de Pertuiset furent si impressionnantes qu'il obtint un accès sans précédent aux installations militaires. Le tsar Alexandre II s’intéressa personnellement au projet et assista aux démonstrations sur les terrains d’essai militaires. Le succès de ces tests incita le tsar à offrir à Pertuiset une bague ornée d’émeraudes et de diamants en signe de reconnaissance.

Plus significativement, Pertuiset obtint l'autorisation d'établir son propre atelier pyrotechnique à Saint-Pétersbourg – un privilège rare pour un inventeur étranger. Là, il poursuivit ses travaux de développement, perfectionnant ses conceptions pour des applications militaires russes. Cependant, cette relation prometteuse fut écourtée par la Déclaration de Saint-Pétersbourg de 1868, qui interdit les projectiles explosifs pesant moins de 400 grammes.

Tests Navals Autrichiens

Les démonstrations les plus spectaculaires de la technologie de Pertuiset eurent probablement lieu sur le site naval autrichien de Pola. Des tests y furent menés contre des plaques de blindage conçues pour simuler les coques des navires de guerre :

  • La cible se composait de deux plaques de fer (épaisseurs de 4,5 et 4,75 pouces).
  • Derrière ces plaques, une couche de 10 pouces de bois dur servait de support.
  • Suivait une peau de fer de 1,5 pouce d’épaisseur.
  • Enfin, 12 pouces de chêne complétaient l’ensemble.

Les tests initiaux avec des projectiles conventionnels à tête solide ne firent que bosseler la surface du blindage. Cependant, une fois chargés avec le composé explosif de Pertuiset, les résultats furent dévastateurs. Le premier tir pénétra non seulement la plaque avant, mais délogea également une grande section de blindage mesurant 22 par 15 pouces. Un second tir détruisit si complètement la cible qu’il fut impossible de poursuivre les essais.

Ces tests, observés par l'archiduc Albert et de nombreux officiers de haut rang, démontrèrent le potentiel de la technologie de Pertuiset contre les cibles navales. L'armée autrichienne fut particulièrement impressionnée par sa méthode de contrôle du timing de la détonation, permettant aux projectiles de pénétrer profondément dans la structure d’un navire avant d’exploser.

Essais Italiens

À la Royal Veneria, les autorités militaires italiennes menèrent leur propre série de tests, se concentrant à la fois sur la pénétration des blindages et les effets antipersonnel. Le programme d’essais évalua de manière systématique l’efficacité des munitions contre diverses cibles, allant des plaques blindées aux fortifications simulées.

Intérêt Turc et Égyptien

Les armées turque et égyptienne manifestèrent un intérêt significatif pour les conceptions de Pertuiset. À Constantinople, il réalisa des démonstrations pour les autorités militaires, bien que des complications politiques aient finalement empêché leur adoption. En Égypte, il collabora avec Chérif Pacha, menant des essais approfondis qui donnèrent des résultats prometteurs avant que des considérations politiques n'interviennent à nouveau.

Bien que des accords militaires internationaux finissent par limiter l’utilisation sur le champ de bataille de projectiles explosifs de petit calibre, les travaux de Pertuiset démontrèrent le potentiel des détonations explosives contrôlées dans les projectiles – un concept qui influencerait la conception des obus d’artillerie pendant des décennies. Ses contributions établirent de nouveaux paramètres pour l’efficacité des munitions et soulignèrent le besoin croissant d’accords internationaux régissant les technologies de l’armement.

L’intérêt militaire pour ses conceptions conduisit également à des améliorations significatives dans les processus de fabrication et les protocoles de sécurité pour les munitions explosives – des développements qui profitèrent aussi bien à la production militaire que civile jusqu’au XXe siècle.

Une Démonstration Spectaculaire à Londres

Les véritables capacités de la conception de Pertuiset furent peut-être mieux démontrées lors de tests à Londres[7] en 1870. Le 3 août, un petit groupe d’officiers et d’observateurs se réunit dans la cour de Messrs. Winkley et Shaw, abattoirs de chevaux, situés au 33 Green Street à Blackfriars Road. Ces essais furent organisés pour le Surgeon-Major Wyatt, vraisemblablement dans le but d’évaluer le potentiel militaire de ces munitions spécialisées.

Cartouche de calibre .450 chargée avec une balle Pertuiset provenant de la collection Chris Punnet[20]

Les démonstrations utilisèrent un revolver Adams, chargé à la fois avec des cartouches conventionnelles et des cartouches explosives de calibre .450 conçues par Pertuiset. Le choix du revolver Adams était significatif – les Français avaient déjà noté sa puissance et sa portée impressionnantes, ayant observé des tirs d’entraînement efficaces à des distances allant jusqu’à 300 mètres.

Le premier sujet d’essai était un cheval particulièrement vicieux, condamné en raison de son comportement dangereux. Tandis que l’animal se tenait calmement, regardant l’arme apparemment insignifiante, M. Adams visa directement entre ses yeux. Le bruit du tir fut étonnamment modeste – un simple et faible claquement. L’effet, cependant, fut tout sauf négligeable. Le cheval s’effondra instantanément sur ses genoux avant de s’effondrer complètement, une fine volute de fumée grise s’élevant de son front.

Bien que cela ait pu sembler typique d’un tir fatal à la tête, l’examen qui suivit révéla la véritable puissance de la conception de Pertuiset. Lorsque la peau et les muscles furent retirés du crâne, les observateurs furent stupéfaits de constater que l’os était complètement fracturé. De larges morceaux du crâne se détachaient facilement entre leurs mains. Plus spectaculaire encore, lorsqu’ils examinèrent la cavité cérébrale, ils découvrirent ce que The Times décrivit comme « un trou semblable au cratère d’une mine, de 7 pouces de long sur 6 de large ». Le cerveau lui-même était « totalement détruit – une masse de matière grise et blanche dépourvue de consistance. »

Pour établir une comparaison frappante, un deuxième cheval fut abattu avec une balle conventionnelle tirée du même revolver. Bien que le tir ait été fatal, les dégâts se limitaient à un petit trou d’entrée propre, sans effet explosif. The Times nota que, bien que les deux animaux soient morts, le second semblait « moins mort » que le premier, montrant des convulsions moins violentes mais des tremblements musculaires plus longs.

D’autres tests mirent en évidence les effets des balles explosives sur d’autres parties du corps. Tirée dans l’épaule d’une carcasse de cheval, la balle pénétra la troisième côte et explosa dans la cavité thoracique, laissant un cratère noirci et dévasté. Les observateurs furent particulièrement frappés par le fait qu’une puissance aussi destructrice pouvait provenir « d’une arme qu’un homme peut porter dans sa poche. »

Ces démonstrations à Londres furent déterminantes pour établir la réputation des balles explosives de Pertuiset. Elles montrèrent clairement que sa conception avait résolu le principal problème qui affligeait les projectiles explosifs précédents – à savoir, garantir une détonation fiable tant dans les tissus mous que dans les os, tout en conservant des caractéristiques de manipulation sécurisées. Les essais mirent également en lumière les implications militaires potentielles de telles munitions, amenant The Times à spéculer que « toutes les connaissances anciennes sur les blessures par balle deviendront obsolètes, et les chirurgiens militaires devront explorer un domaine nouveau et terrifiant. » The Times to speculate that “all the old knowledge of gunshot wounds will be obsolete, and army surgeons will have to explore a new and terrible field.”

Succès Commercial et Impact Historique

Malgré les restrictions militaires imposées par la Déclaration de Saint-Pétersbourg de 1868, Pertuiset connut un succès commercial significatif par le biais de canaux civils. Son principal partenaire de distribution fut Charles-François Galand, l’un des marchands d’armes les plus prestigieux de Paris et un innovateur réputé à part entière.

Box of Pertuiset bullets
Boîte de balles Pertuiset provenant de la collection Amand Leveau[19]

La boutique de Galand, située au cœur de Paris, proposait les balles explosives spécialisées de Pertuiset. Selon le catalogue Album-Galand, ces balles étaient vendues par boîtes de 25 cartouches à des prix élevés :

  • Les cartouches de gros calibre, en 4 et 8, étaient vendues 32 francs la boîte.
  • Les versions standard en calibre 10 étaient proposées à 22 francs.
  • Les calibres plus petits étaient également disponibles au prix de 22 francs.

Ces tarifs plaçaient ces munitions dans le segment des produits de luxe – une boîte de cartouches explosives de Pertuiset coûtait à peu près l’équivalent d’une semaine de salaire pour un ouvrier parisien qualifié. Pourtant, leur efficacité pour la chasse comme pour le tir de précision assurait une demande constante parmi les amateurs de tir sportif et les collectionneurs privés.

A Notorious Legacy

Bien que Pertuiset ait conçu ses balles explosives principalement pour des applications de chasse et militaires, leur usage le plus infâme eut lieu le 17 août 1886, lors d’une tentative d’assassinat choquante qui fit la une des journaux en Amérique du Sud et en Europe.

La cible était Máximo Santos, le président controversé de l’Uruguay, qui était arrivé au pouvoir grâce à une influence militaire et avait conservé sa position par des moyens que beaucoup considéraient comme dictatoriaux. Son assassin présumé, Gregorio Saturnino Ortiz, avait méticuleusement planifié l’attaque et choisi spécifiquement une cartouche explosive Pertuiset pour son potentiel dévastateur.

Máximo Santos
Máximo Santos

Ce jour fatidique, Ortiz affronta Santos à bout portant et tira un seul coup. La balle frappa Santos à la joue droite et fonctionna exactement comme son concepteur l’avait prévu – mais avec des résultats moins que mortels. La charge explosive détonna à l’intérieur de la bouche de Santos, créant un schéma de blessure dévastateur. Les fragments de la balle traversèrent sa joue gauche, tandis que l’explosion détruisit plusieurs dents et causa de graves dommages à sa cavité buccale.

Ce qui rend cet incident particulièrement notable, c'est qu'il démontra à la fois l'efficacité remarquable de la conception de Pertuiset et ses limites potentielles. Malgré une blessure qui aurait pu sembler catastrophique et dévastatrice, Santos survécut à l’attaque. L’explosion, bien qu’ayant causé des dégâts horribles, n’atteignit pas les zones vitales qui auraient rendu la blessure immédiatement mortelle. Santos fut marqué de cicatrices importantes et défiguré, mais il vécut pour raconter son histoire.

Le sort d’Ortiz, en revanche, fut plus définitif. Poursuivi par la police après la tentative d’assassinat ratée, il choisit de retourner son arme contre lui plutôt que de faire face à son arrestation. Cet incident entra dans l’histoire uruguayenne comme l’une des tentatives d’assassinat les plus spectaculaires de l’époque et servit de sombre témoignage du potentiel destructeur de la technologie des munitions explosives de Pertuiset.

La tentative d’assassinat de Santos reste l’un des cas les mieux documentés de l’utilisation d’une balle Pertuiset dans un tir réel, offrant une preuve historique de leur efficacité qui allait bien au-delà des démonstrations contrôlées et des essais militaires. L’incident fut ensuite cité dans les débats sur la réglementation des munitions explosives entre les mains des civils.

Gregorio Saturnino Ortiz
Gregorio Saturnino Ortiz

Signification Historique et Pertinence Moderne

Aujourd’hui, les cartouches et balles originales de Pertuiset sont très prisées des collectionneurs, représentant un moment unique dans l’histoire des armes à feu, lorsque les frontières entre munitions de sport et munitions militaires étaient encore en cours de définition. Ces cartouches sont de véritables chefs-d’œuvre de fabrication du XIXe siècle, reflétant à la fois la sophistication de l’ingénierie explosive de Pertuiset et la qualité de la production de munitions de l’époque.

Cartouches à broche de 15 mm et 12 mm chargées avec des balles Pertuiset, provenant d’un musée de Ségovie, Espagne[21]
Cartouches à broche de 12 mm fabriquées avec des balles Pertuiset, produites par la Société Française des Munitions[22]

Outre Pertuiset, de nombreux inventeurs à travers l’Europe et les États-Unis expérimentèrent avec des balles explosives au XIXe siècle. Des pionniers comme le capitaine Norton en Angleterre et le capitaine Delvigne en France sont crédités du développement des balles creuses chargées de fulminates dans les années 1820 et 1830. D'autres figures notables[4], telles que Minié, Devisme, Podewitz, Von Dreyse, Jacob, Forsyth, Zimmerhaus, Gardiner, Meigs et Mead, apportèrent des contributions significatives au domaine. Leurs efforts collectifs reflètent un intérêt international généralisé pour l’amélioration de l’efficacité des munitions d’armes légères. Ce climat d'innovation favorisa des avancées qui préparèrent le terrain pour le travail révolutionnaire de Pertuiset, situant ses réalisations dans un contexte historique plus large de progrès technologique dans les munitions explosives.

Bien que les balles explosives de Pertuiset aient fini par devenir obsolètes en raison des avancées technologiques et des accords internationaux, leur développement marqua une étape importante dans l’histoire des munitions. Elles démontrèrent le potentiel des munitions spécialisées à augmenter de manière significative l’efficacité des armes de petit calibre, un concept qui influença le développement des munitions militaires et sportives bien au-delà du XXe siècle.

Pour les collectionneurs et les historiens modernes, les cartouches à broche explosives de Pertuiset représentent bien plus qu’une simple innovation technologique intéressante – elles incarnent un moment crucial dans l’évolution de la technologie des munitions, lorsque des inventeurs individuels pouvaient encore révolutionner le domaine par une expérimentation systématique et une pensée novatrice.

L’histoire des balles explosives de Pertuiset, de leur développement à leurs essais internationaux et à leur production commerciale, offre une fenêtre fascinante sur une époque où les frontières entre les technologies civiles et militaires étaient encore floues, et où la quête d’un homme pour le projectile parfait pouvait influencer le cours du développement des munitions pour les générations à venir.

Les Aventures d’un Chasseur de Lions by Eugène Pertuiset
Les Aventures d’un Chasseur de Lions by Eugène Pertuiset

Références et Recherches Supplémentaires

Livres & Articles

  1. Walke, W. (1897). Lectures on explosives: A course of lectures prepared especially as a manual and guide in the laboratory of the U.S. Artillery School. J. Wiley & Sons.
  2. Hornstein, K. (2024). Myth and menagerie: Seeing lions in the nineteenth century. Yale University Press.
  3. Pertuiset, E. (1878). Les aventures d’un chasseur de lions. M. Dreyfous.
  4. Mead, S. H., Jr. (1874, January 17). Explosive bullets for small arms. The American Sportsman, 241.
  5. Leveau, A. (2005). Pertuiset’s explosive bullet. French ammunition patents of the 19th century. IAA Journal, (444), 86.
  6. Scope, H. (1982). Explosives in the United Kingdom during the middle part of the nineteenth century: With special reference to civilian explosives (Master’s thesis, Durham University).
  7. The Times. (1870, August 4). The newest methods of destroying life, p. 5.

Brevets

  1. Pertuiset, E., & Henseler, J. (1865). Balle Explosible pour la Destruction des Bêtes Fauves (French Patent No. 69,556). Institut National de la Propriété Industrielle.
    • Type: Brevet d’invention de 15 ans
    • Date of filing: December 2, 1865
  2. Pertuiset, E., Mundel, A., & Armide de Fléron, J.-É. (1867). Genre de Projectiles Explosibles sans Amorce (French Patent No. 77,903). Institut National de la Propriété Industrielle.
    • Type: Brevet d’invention de 15 ans
    • Date of filing: September 23, 1867
  3. Pertuiset, E. (1870). Balle Explosible pour la Destruction des Bêtes Fauves (Addition Certificate to French Patent No. 69,556). Institut National de la Propriété Industrielle.
    • Type: Certificat d’addition
    • Date of filing: July 4, 1870
  4. Johnson, J. H. (1867). Improvements in Projectiles (UK Patent No. 2,837). Intellectual Property Office. (Communicated by E. Pertuiset, A. Mundel, & J.-É. Armide de Fléron)
    • Date sealed: March 17, 1868
    • Date of patent: October 9, 1867
  5. Johnson, J. H. (1870). Improvements in Explosive Projectiles and Fuses (UK Patent No. 2,066). Intellectual Property Office. (Communicated by E. Pertuiset)
    • Provisional protection date: July 21, 1870
  6. Pertuiset, E., Mundel, A., & Armide de Fléron, J.-É. (1868). Igniting Explosive Projectiles (U.S. Patent No. 78,322). U.S. Patent and Trademark Office.
    • Date patented: May 26, 1868
  7. Pertuiset, E., & Henseler, J. (1865). Balle explosible pour la destruction des bêtes fauves (Explosive bullet for the destruction of wild beasts) (Belgian Patent No. 018865). Office de la Propriété Intellectuelle, Bruxelles.
    • Date filed: December 8, 1865
  8. Pertuiset, E., Mundel, A., & Armide de Fléron, J.-É. (1867). Genre de projectiles explosibles sans amorce (Type of explosive projectiles without primer) (Belgian Patent No. 022292). Office de la Propriété Intellectuelle, Ixelles.
    • Date filed: October 2, 1867
  9. Pertuiset, E. (1870). Modifications à la balle explosible pour la destruction des bêtes fauves (Modifications to the explosive bullet for the destruction of wild beasts) (Belgian Patent No. 027868). Office de la Propriété Intellectuelle, Bruxelles.
    • Date filed: July 6, 1870

Images

  1. Disdéri, E. (Photographer). (n.d.). Carte-de-visite portrait of Eugène Pertuiset. Musée de la Chasse et de la Nature, Paris.
  2. Manet, É. (1881). Mr. Eugène Pertuiset, the Lion Hunter [Oil on canvas]. Museu de Arte de São Paulo (MASP), São Paulo, Brazil. Inventory number: MASP.00079. Photography by João Musa.

Objets Physiques

  1. Amand Leveau collection. (n.d.). Box of Pertuiset bullets [Physical object].
  2. Chris Punnet collection. (n.d.). .450 cartridge with Pertuiset bullet [Physical object].
  3. Aaron Newcomer collection. (n.d.). 15mm and 12mm pinfire cartridges loaded with Pertuiset bullets [Physical objects]. Originally from a museum in Segovia, Spain.
  4. Aaron Newcomer collection. (n.d.). 12mm pinfire cartridges with Pertuiset bullets, manufactured by Société Française Des Munitions [Physical objects].
  5. J. van der Vliet, 2016, ‘Louis François Devisme, Explosive Projectile for Whale Killing, Paris, 1840 – 1870′, in J. van der Vliet and A. Lemmers (eds.), Navy Models in the Rijksmuseum
  6. Aaron Newcomer collection. (n.d.). 15mm pinfire revolver with 15mm and 12mm Pertuiset explosive pinfire cartridges [Physical object].